BLOOD-HORRORS DRIVE-IN DOUBLE BILL: INVASION OF THE BLOOD FARMERS de Ed Adlum (1972) / I DRINK YOUR BLOOD de David Durston (1970)

Publié le par Ludo Z-Man

Une fois n’est pas coutume, Série Bis colle un petit peu à l’actualité puisque ce sont deux des films sélectionnés lors de la carte blanche de la Cinémathèque dédiée à Jean Pierre Bouxyou que notre drive-in a décidé de vous présenter.

Deux séries Z sanglantes qui nous proposent une plongée cauchemardesque et éprouvante dans une Amérique profonde peuplée de fermiers sadiques et de hippies dégénérés.


WE WARN YOU : Don’t eat before you see this show and you’ll have nothing to lose !!!

 

Même chez nous, à Ploucland dans cette bonne vieille Amérique, le danger est partout. Une paisible discussion au comptoir du bar à boire sa quatrième bière de la matinée, tandis que la femme du patron fait le ménage au son d’un juke-box fatigué n’augure rien de bon. Un pauvre homme agonisant entre soudainement en hurlant, se convulse à terre et meurt dans une flaque de sang. Quel mystère se cache derrière cette mort tragique ? Tout le village est terrifié. Seul avantage : l’acteur qui joue la victime étant très mauvais, on est au moins débarrassé de lui des la première minute du film. Mais ne nous faisons pas d’illusions : le plus horrible reste à venir. Une pauvre jeune fille meurt à petit feu en se vidant de son sang, pompé par une étrange machine. C’est l’œuvre de deux fermiers peu recommandables qui kidnappent des jeunes gens afin de récupérer leur sang. En effet, ils sont au service d’un certain Sontag, membre d’une secte qui conserve dans son repère le corps de la reine des ténèbres en attendant de la ressusciter. Mais voilà, le professeur Andersson et son assistant vont s’en mêler, surtout quand les deux rednecks sadiques vont s’en prendre à la fille d’Andersson afin de la sacrifier en l’honneur de la reine. Voilà en gros, l’histoire sans queue ni tête de cette série Z tournée en trois week-ends pour un budget de 25000 dollars (d’après la légende, les figurants furent payés avec des packs de bières !).


C’est le seul et unique film de Ed Adlum et il suffit à nous prouver l’incompétence absolue du bonhomme tant le résultat est désastreux à tous les points de vue. Certes le scénario n’aide pas, car malgré un argument complètement délirant, il se perd dans un développement inutilement compliqué et laborieux (un long passage à vide au milieu ou les personnages passent leur temps à se téléphoner, au total dix scènes de coup de téléphone en une demi-heure de film, ce qui pourrait presque faire croire à un gag de répétition au bout d’un moment) et ne recule devant aucune invraisemblance. Le potentiel comique doit beaucoup au jeu des acteurs qui assument la niaiserie de leurs personnages avec beaucoup d’enthousiasme. Tous en font des tonnes, comme celui qui joue le fermier qui massacre les gens avec sa canne (et aussi le chien de la fille du professeur). En plus c’est rigolo, parce qu’il tue que des gens qui n’ont rien à voir avec l’intrigue principale (genre un couple de jeunes mariés dans un hôtel dont on n’avait jamais entendu parler). Mais comme souvent, c’est la mise en scène qui va précipiter le film dans le grotesque le plus total : visiblement tourné dans l’urgence, Invasion of the Blood Farmers sent l’amateurisme à plein nez. Mais le film ne serait sans doute rien sans la collaboration de Roberta et Michael Findlay qui passaient par là pour filer un coup de main et Ed Adlum devait d’ailleurs les remercier en produisant un de leurs films quelques années plus tard, l’alléchant Shriek of the Mutilated. Pourtant, Michael Findlay, qui signe ici le montage, livre un travail catastrophique : faux raccords à gogo, rythme hasardeux, plans de coupe insérés contre toute logique, séquences mêlant allégrement des plans de nuit et de jour. Entre le monteur et le metteur en scène, difficile de savoir qui était le plus incompétent des deux.


Vu comme une bande d’horreur trash, Invasion of the Blood Farmers est une apocalypse totale. Il faut alors plutôt le voir comme une expérience : prenez une caméra, quelques bouteilles de sang, quelques techniciens qui ont un week-end à perdre, partez vous balader en voiture. Une fois que vous êtes tombés en panne dans le village le plus paumé possible, allez au bar du coin, annoncez aux habitants que vous allez tourner un film d’horreur avec des fermiers maléfiques et faites votre casting. C’est un peu le dogme selon Ed Adlum.

Et maintenant, on va parler d’un film que j’aime tout particulièrement, I Drink your Blood de David Durston, exploité chez nous en vidéo sous le titre Buveurs de sang (la VF serait d’ailleurs assez gratinée). Célèbre pour avoir été classé X lors de sa sortie en salles aux USA en 1970, ce film est un sommet du cinéma d’exploitation qui n’hésite pas à jouer sur deux tableaux. D’un côté, le film est un démarquage évident de La nuit des Morts Vivants de George Romero sorti à peine quelques années plus tôt mais s’inspire aussi plus ou moins explicitement des agissements de la bande de Charles Manson, alors dans toutes les mémoires, en nous montrant une bande de hippies, adeptes de la sorcellerie et du satanisme, semer la terreur dans un petit village peuplé d’Américains moyens et gentils. L’opportunisme du film pourrait paraître franchement douteux, si le scénario ne sombrait pas bien vite dans un délire absolu, tellement jouissif, qu’on ne peut faire la fine bouche. La bande de hippies est particulièrement haute en couleur avec entre autres, un chef indien totalement barge incarné par un certain Bhaskar, une nymphomane délurée, une exotique geisha nommée Sue-Lin et une jeune fille muette interprétée par la jolie Lynn Lowry, beauté frêle et juvénile dont c’était la première apparition à l’écran (on la reverra plus tard chez Romero et Cronenberg). Evidemment, pas de « Peace and Love » ici, ils sont tous très méchants, ils sacrifient des animaux, violent des filles, mangent des rats quand ils n’ont pas de quoi se nourrir, se droguent, boivent du sang et vénèrent Satan. Mais chose inattendue, les habitants du coin ne sont pas mal non plus, en particulier le gamin du village (forcément tête à claque) qui décide de venger son papy que les méchants satanistes ont forcé à prendre du LSD : il a alors une idée parfaitement stupide, se servir du sang d’un chien enragé pour confectionner des tartes qu’il donnera en cadeau à manger à ses voisins hippies.


Et c’est ainsi que dans la deuxième partie du film, la rage contamine peu à peu tout le village, plongeant ce coin tranquille dans une véritable folie meurtrière menée par un groupe d’illuminés se baladant la bave aux lèvres ! Bien que son réalisateur David Durston se soit renseigné sur les effets du LSD et de la rage pour donner un certain réalisme à son film, I Drink Your Blood, sans doute sous l’impulsion de son producteur Jerry Gross, reste une pure série B ou la volonté explicite de choquer côtoie une telle hystérie joyeuse, tout est tellement outrancier, tellement too much, que l’ensemble se regarde avec un grand sourire réjoui. Du coup, bien que bricolé avec un budget limité (environ 100000 dollars selon Durston), le film tire justement son charme de son look cheap tout en restant par ailleurs tout à fait regardable. Et surtout, il demeure assez dynamique et suffisamment rythmé, une heure et demie durant, pour ne jamais ennuyer, ce qui est assez inhabituel pour être souligné. J’adore aussi tout particulièrement la partition de Clay Pitts qui nappe le film d’une bande son électronique truffée de bruitages synthétiques stridents et kitschs et qui achève d’établir un climat très insolite. Toujours à la lisière du ridicule et d’un mauvais goût hallucinant, le film baigne dans une atmosphère de folie furieuse étrangement très prenante. Bizarrement, Durston aurait coupé au montage quelques scènes comiques mais aussi et surtout une scène finale qui donnait lieu à une conclusion tragique. En l’état, I Drink Your Blood oscille entre le délire sanglant et une certaine noirceur et c’est ce qui en fait une vraie bizarrerie.


Faute à son classement X par la MPAA, I Drink Your Blood fut l’objet de quelques coupes à sa sortie mais son producteur Jerry Gross profita d’un succès de scandale, proclamant avoir produit le film d’horreur le plus outrageant de tous les temps. C’est lui aussi qui choisit le titre, I Drink Your Blood, et il racheta un petit film d’horreur réalisé en 1964 par Del Tenney, Voodoo Blood Bath et qu’il distribua sous le titre de I Eat Your Skin ! Le double-programme I Drink Your Blood / I Eat Your Skin reste l’un des plus célèbres du genre et fit les grandes heures des Grindhouse Theaters.

Le drive-in de Série Bis vous remercie de votre visite et espère vous revoir bientôt !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article