CALIGULA 2 : LA VERITABLE HISTOIRE de Joe D’Amato (1982) et JOYEUX ANNIVERSAIRE A SERIE BIS !

Publié le par Ludo Z-Man

Bouclons une boucle, les amis.

 

Retrouvons donc Joe D’Amato, infatigable artisan du cinéma bis italien, dont la filmographie labyrinthique regorge de perles d’un mauvais goût très sur. Et c’est de l’un des films les plus extrêmes du monsieur dont nous allons parler, le monumental Caligola: La storia mai raccontata, projet délirant qui symbolise parfaitement le cinéma de son auteur mais aussi montre ce que pouvait oser le cinéma d’exploitation italien au début des années 80. Car souvenons-nous en 1979 sort l’un des films les plus décadents de l’histoire du cinéma, le Caligula de Tinto Brass, caprice mégalomane d’un Bob Guccione pété de thunes rêvant d’une superproduction érotique démesurée. Avec son casting de stars prestigieuses (Malcolm McDowell, Helen Mirren, Peter O’Toole…) déclamant leurs tirades shakespeariennes au milieu de Penthousegirls s’ébattant en petite tenue dans des décors somptueux, Caligula est un OVNI total, renié par son réalisateur, exploité jusqu’à plus soif par son producteur opportuniste, le caviardant de scènes pornographiques, puis le sortant dans des montages de durées très différentes : la preuve même aujourd’hui, on peut encore voir Caligula en DVD dans une version soft ou hard. Je vous laisse le soin de deviner laquelle de ces deux versions est la plus recommandable. Fondamentalement, D’Amato, comme la plupart de ses camarades à l’époque, est un faiseur, ce qui revient dans le monde du bis, à exploiter ce qui a du succès. A ce stade de sa carrière, l’érotisme est déjà devenu sa spécialité et le relâchement de la censure lui a même permis de donner dans la pornographie. Le succès retentissant du film de Tinto Brass va susciter logiquement une petite vague de péplum coquins dont le film de D’Amato reste l’avatar le plus excessif.

 

Suite ou remake assumé du film de Brass et de Guccione, Caligula : la véritable histoire tente de reprendre les ingrédients qui ont bâti le succès de son modèle. C’est dans cette logique opportuniste que le film va tenter d’en accentuer les éléments les plus sulfureux. Tout d’abord afin de compenser l’absence de stars et aussi la pauvreté évidente du budget. Et puis enfin, Joe D’Amato se retrouve ici dans son élément. Spécialiste de l’érotisme, D’Amato est aussi doué pour les scènes chocs qui vont faire la notoriété d’un film. Avec un aplomb sans faille, le bonhomme est capable de filmer des choses d’un mauvais goût hallucinant dans le simple objectif de faire plus trash que la concurrence. C’est sans doute ce qui fait qu’un film comme Anthropophagous est devenu mythique rien que deux scènes gores particulièrement gratinées et pas forcément représentatives du film en lui-même. Technicien honnête, chef opérateur performant, D’Amato reste malgré tout un filmeur inégal, capable du meilleur comme du pire, d’un produit soigné comme d’un travail bâclé. Le cinéma de D’Amato se caractérise du coup par une certaine froideur qui contraste avec le contenu extrême de ces films. On ne trouve pas chez lui les raffinements d’un Argento ou même d’un Lucio Fulci. De même, si on le compare à un autre cinéaste profondément voyeur et libidineux, son confrère espagnol Jess Franco, on remarque que ce dernier, en plus d’avoir un style nettement plus riche et identifiable, conçoit des œuvres infiniment plus lyriques. Si on y décèlera les carences qui pourront cantonner pour certains D’Amato au statut de faiseur cynique, c’est ce style à la fois complaisant, réaliste, glacé et grand-guinolesque qui feront de Blue Holocaust son film le plus dérangeant et le plus malsain mais aussi sa plus grande réussite.

 

Cynique, froid et outrancier, Caligula : la véritable histoire n’ambitionne donc pas une seule seconde de rétablir quelconque vérité historique sur le célèbre empereur. Il nous livre au contraire la descente au enfers inéluctable d’un fou qui se prend pour Dieu et précipite tout le monde dans son cauchemar. Un cauchemar qui vient hanter Caligula chaque nuit, alimentant sa culpabilité et sa paranoïa. C’est une intrigue très classique qui vient structurer le scénario : une jeune femme, Miriam (incarnée par la muse de D’Amato, Laura Gemser héroïne de la série des Black Emanuelle) tente de s’introduire dans l’intimité de Caligula afin de venger la mort de son amie, une jeune fille violée par l’empereur et qui s’est suicidée suite à ce viol. D’Amato ne rate aucune occasion de surenchérir dans la violence, chaque scène de torture ou de massacre ayant droit à son moment de cruauté gratuite comme dans ce passage où un pauvre innocent trépasse en ayant été sodomisé avec une lance. Et puis il y a le clou du spectacle : une gigantesque et mémorable scène d’orgie qui fait basculer le film dans la pornographie la plus hard. Tandis qu’un pauvre type se balade en jonglant au milieu de la foule, que deux figurants déguisés en lutteur se foutent sur la gueule à grands coups de giclées de sang sur le décor, le reste du casting boit, mange et copule allégrement sans soucier aucunement de la suite du scénario. La narration passe alors au second plan, et pendant vingt bonnes minutes, D’Amato nous livre un grand moment de trash, dénué de toute érotisme, dont l’apothéose demeure la scène (non simulée) de masturbation du cheval de Caligula puis l’accouplement difficile entre l’étalon et l’une des participantes (heureusement simulée… ouf !).

 

Complètement déséquilibré par cette longue séquence, le film sombre dans une léthargie dont il ne se remettra guère que dans le dernier quart d’heure, où il prend un tour inattendu en faisant se perdre le personnage de Caligula à l’intérieur de ses propres cauchemars. Une tentative intéressante de faire basculer le récit dans une ambiance onirique plus sophistiquée mais il est pour ainsi dire trop tard. Le spectateur sature devant le manque de rythme et D’Amato n’a pas suffisamment de style pour susciter notre intérêt et nous impliquer dans ce final tentant de faire de Caligula un personnage fondamentalement tragique. Il faut dire aussi que j’ai eu la « chance » de voir le film dans sa version intégrale ou en tous cas la plus complète à ce jour, d’une durée de plus de deux heures, tandis qu’à l’époque il était sorti (notamment en France) dans des versions plus ou moins allégées. Caligula : la véritable histoire prend bien vite l’aspect d’un spectacle Z lourdement indigeste.

 

Après un film aussi substantiel et roboratif, on ne reviendra peut-être pas tout de suite sur le cinéma de ce cher Joe D’Amato, mais rappelons que c’était en chroniquant Emanuelle et les Derniers Cannibales, un de ses films, que j’ouvrais, il y a un an pile ce blog, Série Bis.

 

Série Bis fête donc son premier anniversaire et promet de continuer à vous faire découvrir et redécouvrir ce que le cinéma a pu produire de plus bizarre, obscur, décalé et souvent passionnant.


"Ca mord, chérie !" par Ludo Z-Man d'aprés une photo du film Anthropophagous de Joe D'Amato.

Publié dans série bis

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J
Un ptit beurre qu'est tout mou à Série Bis !
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L
Merci, mon JB ! Poutoux à toute la famille ! ;)
V
A mon tour de te souhaiter un bon anniversaire et félicitation pour ce très joli texte qui donne envie d'aller y voir de plus près. Du peu que je connais de d'Amato, je souscris à ton portrait.
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L
Merci beaucoup à toi, Vincent !
L
Merci à tous les deux !<br />  <br /> Pierrot, oui, D'Amato n'a pas donné que dans le pire. On y trouve du Z amusant et Blue Holocaust est une interressante curiosité. Le Marquis en avait fait une notule trés juste sur Matiére Focale.
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D
Ha camarade!<br /> A mon tour, je te souhaite un anniversaire magnifique et splendouilleux!  Qu'on se le dise!<br />  <br /> Dr devo.
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D
Je vois que les rodomontades des patrons t'ont poussé à reprendre le clavier! C'est bien puisque ça nous vaut ,une fois de plus, une très belle note. Bonne anniversaire et longue vie à "Série Bis"...<br /> NB: Tu écris que Joe D'Amato est capable du meilleur comme du pire. Je dois alors te confier que je n'ai vu que du pire mais je garde sur mes tablettes le titre de "Blue Holocaust" que je n'ai point vu...
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