L’ECORCHE de Sheldon Wilson (2004)

Publié le par Ludo Z-Man

Les mystères de la distribution font que comme jadis avec la vidéo, certains films qui sortent directement en DVD sont plus dignes d’intérêt que ceux qui ont les honneurs des salles obscures. Dans le genre qui nous intéresse, le cinéma d’horreur, en France, c’est un peu n’importe quoi, on voit très bien qu’il y a un public pour ce genre de films mais en même temps, ce public reste restreint, rares sont ceux qui font de véritables succès commerciaux. Résultat : les distributeurs restent frileux et on se retrouve avec des œuvres sacrifiées comme le dernier opus du cinéaste espagnol Jaume Balaguero, Fragile, triplement primé à Gérardmer et que StudioCanal largue directement sur le petit écran en attendant une sortie DVD, alors que les deux précédents films du réalisateur étaient sortis dans les cinémas. Pas que je sois un grand fan de Balaguero, mais en quoi ce film méritait moins une distribution en salles que Hostel ou Saw 2 ? (on en reparlera sans doute quand je l’aurais vu) Tout ca justement pour en arriver à cet Écorché (Shallow Ground), présenté au festival de Gérardmer cuvée 2005, une pure série B tournée pour 72000 dollars par un jeune réalisateur, Sheldon Wilson.

Dans un commissariat perdu en pleine cambrousse, les occupants s’apprêtent à vider les lieux et à abandonner l’établissement. Mais le déménagement est perturbé par l’arrivée d’un jeune homme armé d’un couteau, nu et recouvert de sang qui fait irruption dans le lieu. Maîtrisé et enfermé, le garçon reste désespérément mutique. Le shérif, un pauvre type usé et dépressif, tente de résoudre l’énigme qui le relance sur la trace de son ancienne compagne dont la disparition n’a jamais été résolue. La première force du film est d’exploiter avec une grande efficacité le potentiel franchement intrigant de son point de départ scénaristique. En effet, dans ce décor d’Amérique rurale à la fois banale et un peu perdue au milieu de nulle part, l’irruption de ce jeune ado, à la démarche rapide et au regard opaque, nous plonge brutalement dans une ambiance plouc et glauque à la Twin Peaks, toute en violence sourde. Wilson s’amuse alors a distiller les éléments bizarres qui voit cette paisible campagne filmée en de fluides mouvements de caméra sombrer dans l’horreur. L’une des idées les plus intéressantes du film, c’est de faire du sang qui macule le corps du jeune homme un motif fantastique à part siére. Le sang n’est pas ici une façon de représenter l’horreur graphique dans une outrance paroxystique comme dans les films gores traditionnels, mais une substance dotée de sa propre vie et qui s’écoule du corps de l’adolescent de manière totalement surréaliste. Ce qui confère au personnage une monstruosité à la fois très viscérale et singulière, redonnant un vrai sens aux effusions d’hémoglobine.

 

Le film avance sur un rythme languide, un sorte de slowburn (copyright Dr Devo) qui ménage habilement pics de tension et révélations étranges (notamment sur l’identité du jeune homme, une très jolie trouvaille). Dans la deuxième moitié, le genre du thriller finit par prendre le dessus sur le fantastique. Le shérif, qui traine son sale trauma derrière lui, est amené à résoudre l’énigme qui le hante et par la même occasion d’obscures affaires de meurtre. Si le film conserve un climat horrifique (notamment une scène dans une pièce remplie de cadavres qui évoque Massacre à la tronçonneuse), le récit se perd dans des résolutions qui atténuent grandement l’étrangeté du début et ramène l’ensemble vers quelque chose de beaucoup plus classique. C’est donc un peu décevant, d’autant qu’à la fin, Sheldon Wilson ne semble plus trop savoir quoi faire de son héros sanguinolent et lui réserve un sort déroutant, lors d’un épilogue brutal et nébuleux, qui laisse franchement perplexe. Une curiosité que cette œuvre prometteuse, servie par quelques bonnes idées, se jouant habilement de son budget limité, mais qui ne tient pas toutes les promesses de son point de départ.

Publié dans série bis

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